Entretien Nouveaux Regards avec Clément Schwebig (YL France-Chine 2018)

Jean Raphaël Peytregnet : Vous avez passé une longue partie de votre carrière en Asie, notamment à Singapour.

 

Clément Schwebig : Oui, j’ai en effet passé ces douze dernières années en Asie, entre l’Inde, la Chine et l’Asie du Sud-Est. J’étais jusqu’à récemment Président de la région Asie pour le groupe américain Warner Bros. Discovery. Début 2024, j’ai pris la direction de la région Europe de l’Ouest et Afrique. Nos activités dans la région sont multiples : distribution de notre catalogue de films américains et locaux, développement de notre plateforme de streaming Max récemment lancée en France et la gestion de nos chaînes de télévision dont, pour n’en citer que quelques-unes, Cartoonito, Discovery +, TLC et bien sûr Eurosport.

 

Il faut s’attendre à une forte implication du groupe Warner Bros. Discovery et de sa chaine Eurosport dans la diffusion des J.O. de Paris 2024 ?

 

Warner Bros. Discovery est détenteur officiel des droits de diffusion des Jeux Olympiques en Europe jusqu'en 2032, des droits que nous sous-licencions aux opérateurs publics locaux comme France Télévision en France.

Via notre chaîne Eurosport, nous allons diffuser cet événement dans 47 pays européens, dans 19 langues différentes. Pour ce faire, nous allons déployer un dispositif assez impressionnant à Paris pour couvrir les J.O. avec des présentateurs et des commentateurs originaires de tous les pays participant à ces épreuves.

Toutes les épreuves seront retransmises via Eurosport sur notre plateforme de streaming Max où nous couvrirons 3 800 heures d'épreuves en direct, ce qui est unique. Nous aurons jusqu'à 62 canaux de diffusion en simultané avec en moyenne une vingtaine de compétitions en parallèle. Nous serons la seule destination pour l’intégralité des J.O. et couvrirons chaque minute, chaque médaille et chaque record

 

Il devrait y avoir 38 pays et territoires (Hong Kong, Taipei chinois) asiatiques qui participeront aux J.O. Vous avez vous-même une riche expérience en Asie.

 

J’ai d’abord passé une dizaine d'années en Europe de l'Est et du Sud. Ensuite je suis parti en Inde pour développer les activités média du grand groupe allemand de communication Bertelsmann, où j’ai passé un peu de temps pour lancer des chaînes de télévision.

J’ai ensuite été appelé par le groupe Time Warner et suis allé à Hong Kong où j’étais responsable de nos activités cinéma, séries, parc d’attraction et jeux vidéo. J’ai ensuite ouvert et dirigé le bureau de Shanghai de 2012 à 2018, période durant laquelle nous avons connu un fort développement dans ce pays. L’Asie en général était un terrain très propice à nos activités avec une belle dynamique. L’Inde en particulier est un pays très créatif. On pense tout de suite à Bollywood bien sûr. Warner Bros. Discovery est un acteur assez important dans le pays via Discovery et nos chaînes jeunesse, avec des propriétés intellectuelles connues de tous les jeunes Indiens. Et j'ai enfin pris la présidence du groupe intégré à Singapour dont nous avons fait notre siège social, il y a cinq ans de cela.

 

Aujourd’hui vous êtes basé en France. Cela veut-il dire que vous avez tourné la page Asie ?

 

Non, non, je n’ai pas tourné la page. Je suis toujours membre du conseil d’administration de certaines entreprises en Asie. Je me suis fortement engagé dans le paysage médiatique asiatique. J’ai ainsi été le président de l'Association des médias en Asie, ce qui m’a amené à représenter de

très nombreuses entreprises, comme Disney, Netflix, mais aussi NTT Docomo et Reliance, CJ en Corée, toutes regroupées autour de la lutte contre le piratage, de la promotion de certaines lois auprès de gouvernements locaux et des copyrights de production. J’ai été aussi président des Asian Academy Awards qui sont les Oscars asiatiques. Une organisation importante qui oeuvre pour la promotion de la créativité audiovisuelle et cinématographique en Asie.

 

Aussi avec une dimension autour de la transition énergétique, n’est-ce pas ?

 

Oui, mais en ce qui concerne la production, ce n’est pas évident, surtout en Asie. C’était en effet un chantier que j'avais lancé mais qui pour être très honnête, était un peu loin des considérations des sociétés de production, comme aux Philippines par exemple. Il s’agissait donc plus d'une idée, d’un projet, que d’une réalisation.

 

Cela tombe bien que vous abordiez le sujet de la créativité car dans ce que j’avais pu lire à votre sujet, vous vous disiez fasciné par la créativité asiatique et que vous souteniez le développement des productions coréennes en train de conquérir le monde, de même que pour la Thaïlande et le Vietnam. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus à ce sujet ?

 

Tous les pays d’Asie sont riches de créativité, avec de nombreux récits et légendes, une mythologie qui suscite l’imagination. Toutefois, on y a souvent trouvé comme limite une profondeur de marché qui ne leur permettait pas vraiment d'investir dans la production de qualité.

Ce, jusqu'à ce que certains pays, comme le Japon avec les mangas animés ou la Corée avec les sitcoms (séries télévisées) coréens, arrivent à faire voyager leurs créations, et donc à les faire consommer non seulement dans leur pays mais aussi en dehors. Aujourd’hui les productions coréennes sont consommées à la fois en Asie et aux Etats-Unis. Il y a là un vrai phénomène de consommation de séries, de contenus coréens, qui s'exprime de manière très forte. L’Inde n’a jamais énormément exporté ses contenus mais c'est un marché qui est tellement important en soi qu'il se suffit à lui-même. S’agissant de l'Asie du Sud-Est, c’est surtout la Thaïlande et Taïwan qui exportent beaucoup leurs productions qui se distinguent par leur qualité et la profondeur de leurs récits. Les productions

thaïlandaises, en particulier, résonnent beaucoup dans leur narration avec les récits d'Asie du Sud-Est. Elles profitent d’un esthétisme qui s’exporte facilement. Ce sont donc ces deux pays, la Thaïlande et Taïwan qui émergent comme des plateformes de création de contenus facilement exportables. Pour le Vietnam, c'est moins évident, parce que la production reste très local encore.

 

Ce que vous nous dites témoigne de votre très riche expérience de l'Asie. Avez-vous cherché à exploiter cette connaissance que vous avez de l'Asie et du domaine particulier auquel vous vous intéressez ?

 

Pas à court terme, parce que j'ai un cahier des charges assez important dans toutes les activités que j'ai à l'heure actuelle. Mais je suis sûr que le moment se présentera. Notamment le jour où la Fondation France-Asie s’intéressera à l’Asie Sud-Est, à partir de Singapour. En fait, on ne tourne jamais une page surtout quand on a passé, comme moi, 22 ans en dehors de France, dont douze années en Asie. Mais je n’y ai pas de responsabilités particulières à l’heure actuelle.

 

Vous parlez de beaucoup de pays d'Asie, mais peu de la Chine. Comme vous le savez sans doute, la Chine est très active en Afrique et étant donné que vous couvrez aussi ce continent, j’aimerais recueillir vos commentaires à ce sujet.

 

La Chine, est un pays très dynamique où nous avons développé des propriétés intellectuelles chinoises, notamment avec Tencent, à partir de notre bureau de Shanghai pour le marché chinois. Les médias étrangers y ont une place mais celle-ci est relativement limitée avec des quotas stricts de films étrangers. Dans les années 2010 la Chine tenait une place extrêmement importante dans le box-office mondial, ça l'est moins aujourd'hui de ce fait.

 

Pour revenir à Warner Bros. Discovery, y a-t-il des pays d’Asie où le groupe est plus implantée que dans d’autres ?

 

Historiquement, nous sommes très présents en Inde, surtout dans le linéaire avec nos chaînes de télévision. Plus largement, les activités de distribution de films en Asie remontent à de nombreuses années et fait partie du socle de l'activité que nous avons dans la région. Et au fil des années sont venues s’ajouter des chaînes de télévision que l’on gère soit à l’international, soit au niveau local.

Par ailleurs, nous réalisons des parcs d’attraction, des jeux vidéo, et plein d’autres choses qui tournent autour de la propriété intellectuelle en Asie.

 

Le contenu qui sera diffusé durant les J.O. de Paris 2024 sera-t-il vendu à des pays d'Asie ? Sont ils intéressés par vos productions pendant toute cette période ?

 

Non, les droits des J.O sont octroyés pays par pays par le Comité International Olympique (CIO). Nous avons obtenu les droits de diffusion seulement pour l’Europe.

 

Le sport est-il un gros marché s’agissant de l’Europe et de l’Afrique ?

 

Oui, le sport en général et surtout les Jeux Olympiques, qui sont un des événements sportifs les plus regardés dans le monde avec plusieurs milliards de téléspectateurs.

 

 

*****

 

Président Europe de l'Ouest et Afrique chez Warner Bros. Discovery et YL France-Chine 2018, cela fait 22 ans que Clément Schwebig travaille dans le secteur des médias et du divertissement. Après ses études en France, il a intégré RTL Group chez qui il a fait ses armes dans le secteur des médias et du divertissement en Europe puis en Inde (installation de chaînes hertziennes dans les Balkans, lancement d’American Idols en Europe de l’Est, lancement de groupes de médias intégrés en Grèce…).En 2013, il a rejoint Warner Media pour lequel il a endossé pendant 10 ans plusieurs rôles de direction en Inde, en Chine à Hong-Kong et Singapour avant de devenir Président de la zone Asie puis Directeur général Europe de l’Ouest et Afrique en octobre 2023 pour Warner Bros. Discovery. Cet investissement s’exprime au-delà de ses fonctions par un engagement pour l’industrie, à l’image de la présidence des Asian Academy Creative Awards, l’équivalent des Oscars en Asie.

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