Alors que l'attention du monde se focalise sur les conflits au Moyen-Orient et en Ukraine, un autre foyer de crise couve en Asie orientale et risque d'éclater à tout moment, avec des répercussions à l'échelle mondiale et le potentiel de mener, à court, moyen ou long terme, à une guerre ouverte entre les premières et secondes puissances mondiales.
La République Populaire de Chine (RPC) a en effet pour objectif d’annexer (« unifier » selon son lexique en chinois, « réunifier » dans sa traduction en langue occidentale) par la force, si nécessaire, la République de Chine à Taïwan que Pékin considère comme appartenant à la RPC et le territoire que celle-ci contrôle et gouverne. Les États-Unis et leurs alliés pourraient s’opposer par des moyens militaires à une telle tentative d’annexion par la force quand ils appellent Pékin et Taipei à trouver une solution à leur contentieux par la voie pacifique (eg. négociations). La possibilité que la Chine communiste passe à l’acte est probable mais pas absolument certaine tout au moins à court terme, étant par ailleurs soumise au comportement des principaux acteurs, USA et RPC en premier. Pour ce qui la concerne, la RPC ne cesse de clamer depuis sa fondation en 1949 sa détermination à «unifier» (et non à « réunifier ») Taïwan à la « terre des ancêtres » (« zuguo » mis pour la Chine).
Si le « chairman » Xi Jinping fait de l’annexion de Taïwan la condition absolue et nécessaire pour parvenir à la « renaissance de la grande nation chinoise » depuis son arrivée au sommet du pouvoir en 2012, force est de constater une hésitation certaine du pouvoir chinois et/ou de l’Armée Populaire de Libération à passer à l’action devant l’ampleur des enjeux qu’ils se devraient rationnellement de prendre en compte : intervention militaire très probable des États-Unis qui ne peuvent se permettre « d’abandonner » leur allié de facto taïwanais au risque de se décrédibiliser dans la région en cas de non intervention ; conséquences négatives pour l’économie chinoise et pour son image au plan international avec des fortes sanctions à la clef en cas d’attaque non provoquée du côté adverse ; capacité actuelle de l’Armée Populaire de Libération de livrer une guerre d’envergure (elle n’a plus livré de guerre depuis son invasion du Vietnam en 1979, sans succès) contre les États-Unis et leurs alliés de la région (Japon, Australie, Philippines, Corée du Sud, Thaïlande, Taïwan, voire certains pays membres de l’OTAN), souci éventuel (Cf. massacre de la Place Tian’anmen en 1989) d’éviter un bain de sang entre « compatriotes chinois », etc.
D’autre part, Pékin semble aujourd’hui remettre en question la situation du relatif statu quo (poursuite des négociations avec Taipei aujourd’hui arrêtées du fait de Pékin) qui régnait entre « les deux rives du détroit ». Au cours de ces dernières années et jusqu’à aujourd’hui, Pékin multiplie les incursions aériennes et maritimes de plus en plus rapprochées dans l’ADIZ (Zone d’Identification de Défense Aérienne) taïwanaise ; tirs de missiles armés dans les eaux taïwanaises (et dans la ZEE japonaise) ; mises en scène de blocus (encerclement) de l’île par des moyens militaires ; arrestations et condamnations d’entrepreneurs taïwanais sur le sol continental au prétexte qu’ils nourriraient des pensées « indépendantistes », etc. Dans sa très grande majorité, la population de la jeune démocratie taïwanaise (première élection présidentielle et législatives au suffrage universel direct en 1996) se prononce en faveur du maintien du statu quo et s’oppose dans tous les cas à une « unification » avec la RPC qui serait pour elle synonyme « d’annexion » pure et simple et de suppression de ses libertés fondamentales et d’un État de droit chèrement acquis, comme cela a été le cas pour Hong Kong après sa reprise en main brutale par Pékin.
Dans le même temps, Taïwan exporte près de 40 % de ses marchandises vers le marché chinois (y compris Hong Kong) mais l’on observe aussi une baisse constante de celles-ci comme de ses investissements sur le continent. Si les États-Unis, comme tous les autres pays n’entretenant pas de relations diplomatiques avec la République de Chine à Taïwan, adhèrent au principe d’« une seule Chine » et « ne soutiennent pas l’indépendance de Taïwan », principes auxquels tient obstinément Pékin, Washington (et aussi Tokyo d’ailleurs) ne fait que « prendre note » (acknowledge) mais sans l’accepter de la position de la RPC selon laquelle Taïwan ferait partie intégrante du territoire chinois, estimant que le statut juridique au regard du droit international de Taïwan reste à ce jour « indéterminé ». La capitale américaine est par ailleurs tenue légalement par le « Taïwan Relations Act » (TRA) adopté par le Congrès en 1979 de « traiter les autorités gouvernantes de Taïwan comme elle le fait avec tous pays étrangers, nations, États, gouvernements, ou autres entités similaires ». Et si la capitale américaine ne garantit pas explicitement une intervention militaire en cas d’attaque ou d’invasion (non provoquée) de Taïwan par la RPC, Washington est tenu de « maintenir la capacité des États-Unis à résister à tout emploi de la force ou d’autres formes coercitives qui pourraient mettre en danger la sécurité, la société ou le système économique du peuple taïwanais ».
Le TRA stipule en outre que les États-Unis « considèreront tout effort pour déterminer l’avenir de Taïwan par d’autres formes que pacifiques, y compris par boycott ou embargo, comme une menace à la paix et à la sécurité de la région du Pacifique occidental et une grave préoccupation pour les États-Unis ». Pour l’administration américaine, le TRA prime sur les Trois communiqués conjoints signés avec Pékin, ainsi que sur « les six assurances » données à Taïwan sous l’administration Reagan, notamment en termes de fournitures d’armements. « L’ambiguïté stratégique » américaine à l’égard de la défense de Taïwan a été pour ainsi dire levée à au moins quatre reprises par le président Joe Biden confirmant publiquement que les États-Unis interviendraient militairement contre la Chine au cas où cette dernière attaquerait Taïwan. Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, l’avenir de Taïwan pourrait s’assombrir. Pendant la campagne présidentielle américaine, le candidat républicain, qui n’est pas du genre à mâcher ses mots, s’était déjà déclaré opposé à ce que l’Amérique encoure les risques d’une guerre avec la Chine pour défendre « une petite île qui n’a même pas payé la facture de sa protection ».
De là à ce que Pékin interprète les déclarations du président républicain comme un feu vert pour passer à l’action contre Taïwan ? Cela étant dit, le président élu avait également déclaré qu’il punirait la Chine de taxes douanières pouvant s’élever jusqu’à 200% si Pékin tentait d’envahir Taïwan…de quoi faire réfléchir la capitale chinoise. Si dans leur grande majorité les pays européens éprouvent de la sympathie à l’égard de la démocratie taïwanaise (un exemple dérangeant pour son voisin chinois), ceux-ci, realpolitik oblige, se voient contraints de ménager l’humeur du partenaire commercial incontournable qu’est la Chine et ainsi de souscrire à leur tour au principe « d’une seule Chine » - ce qui au passage ne les engage à rien, le rétablissement de relations diplomatiques de ceux-ci avec l’île n’étant guère envisageable.
Cette ambivalence n’a cependant pas empêché des pays européens de manifester leur soutien tacite pour Taïwan en envoyant à répétition et en collaboration avec l’US Navy leurs navires de guerre à travers le très sensible détroit de Taïwan (la marine française en 4/2023 et 10/2024, la marine allemande en 9/2024, l’US Navy et la marine canadienne en 10/2024, sans compter les marines néo-zélandaise et australienne et tout récemment la marine japonaise) sous le nez et au grand dam de Pékin pour qui ce détroit constitue un lac intérieur de la Chine. La subtilité de la réponse occidentale a été portée à son comble dans le cas particulier de la frégate française Prairial qui a traversé le détroit en question en avril 2023. Son timing était bien calculé: non seulement s’est-il déroulé au beau milieu d’un des exercices chinois d’encerclement et d’intimidation de Taïwan mais, en plus, au lendemain d’une visite d’État en Chine du président Macron. Celui-ci, à son retour, a étonné l’Amérique et ses alliés en revendiquant l’autonomie de décision de l’UE sur la question de Taïwan « sans faire preuve de suivisme à l’égard de Washington ni de Pékin ».
Voisin immédiat de Taïwan, le Japon est économiquement très lié à la Chine mais sentimentalement très proche de Taïwan pour des raisons historiques (l’île fut colonisée par l’empire nippon de 1895 à 1945 et demeure jusqu’à ce jour très nippophile). Tokyo a par ailleurs un intérêt vital à ce que sa route d’approvisionnement en ressources énergétiques en provenance du Moyen-Orient, qui passe au large de Taïwan, ne soit pas coupée au cas où la Chine passerait à l’action (tentative d’invasion ou de blocus) contre l’île. Par rapport aux autres pays, Tokyo est limité dans le choix de ses actions du fait de sa Constitution « pacifique », laquelle lui interdit de faire la guerre (sauf en cas d’autodéfense).
Avec ses intérêts économiques et commerciaux non négligeables en Chine, le Japon ne peut lui aussi déroger, au risque de mécontenter son puissant voisin, au principe d’« une seule Chine » tout en appelant Pékin à ne pas faire de vagues dans le détroit de Formose.
La question de l’appartenance de Taïwan d’un point de vue historique
Depuis sa victoire de 1949 sur le régime nationaliste (KMT) de Chiang Kai-shek replié avec le reste de ses troupes à Taïwan dans l’attente d’une revanche, la Chine communiste a toujours fait de « l’unification » (tongyi) de Taïwan une cause nationale. Le principal argument sur lequel se fonde Pékin est d’ affirmer que Taïwan a toujours été une partie intégrante et inséparable de la Chine. Or, au regard de l’histoire, rien n’est moins sûr.
D’après les archives, loin d’être une partie intégrante et inséparable de la Chine, Taïwan a de tout temps été considérée par les dynasties successives chinoises comme une « terre sauvage se situant en dehors de la sphère (chinoise) de la civilisation » (化外之地 ) et donc hors de son territoire. Peuplée d’aborigènes d’origine austronésienne et de migrants chinois venus principalement de la province du Fujian faisant face à Taïwan (dont les ancêtres de l’auteur), l’île a été « découverte » en 1542 par les Portugais qui l’ont nommée « Ilha Formosa » (île belle). Celle-ci servait à l’époque de base aux pirates et ne figurait pas sur les cartes géographiques impériales chinoises. Quand le Japon du Régent retiré (Taiko) Toyotomi Hideyoshi tenta en 1593 de faire de Taïwan un vassal, son émissaire ne trouva personne à qui remettre sa demande… Formosa devint par la suite l’objet des convoitises des navigateurs-commerçants européens. Portuguais, Espagnols, Néerlandais, et même brièvement Français (tentatives de débarquement de la flotte de l’amiral Courbet repoussées en 1884 et en 1885) se sont succédés pour s’établir sur ce territoire.
En 1624, dans un geste témoignant du désintéressement total de la Chine pour cette « terre sauvage », la dynastie (d’ethnie han) Ming (1368-1644), soucieuse d’éloigner les Européens de ses côtes, proposa aux Hollandais de prendre possession de Taïwan à titre pérenne. Avec la bénédiction de la Chine, les Néerlandais n’en furent que trop contents pour régner en toute légitimité sur la grande île qu’ils transformèrent en une escale importante sur la route commerciale liant l’Asie du Sud-est au Japon. Pendant les 38 années de leur règne, les Bataves eurent à combattre les Espagnols qui leur disputaient la domination de l’île. Ce n’est qu’en 1642 que les Hollandais réussissent à en chasser les Espagnols pour être enfin seul maître de Taïwan auquel la dernière dynastie véritablement chinoise d’ethnie han ne daignait toujours pas de s’intéresser.
En 1662, les Hollandais en furent à leur tour expulsés vers Batavia (Indonésie) par le puissant clan de Zheng Chenggong (Koxinga), pirate et général loyal à la défunte dynastie Ming et opposé à la nouvelle dynastie mandchoue des Qing (1644-1911). Taïwan se trouve alors en partie administrée pendant deux décennies par le tout petit « royaume » Tongying gouverné par la famille Zheng dans la partie sud-ouest de l’île. Ce n’est qu’en 1683 que la dynastie Qing réussit à venir à bout de la résistance des Zheng. Elle hésita cependant longtemps avant de décider d’inclure cette terre considérée comme « sauvage » dans son territoire national. Taïwan se trouve par la suite convertie en une région relevant de la province du Fujian et gouvernée par une administration locale (préfecture). Naissance de la toute première administration dite « chinoise » de l’île.
En 1871, lorsque le Japon proteste contre le massacre de 54 naufragés japonais par des aborigènes taïwanais, la Chine de la dynastie mandchoue Qing répond qu’elle n’est pas responsable de cet incident commis par des habitants d’une terre sauvage (化外之地) hors de sa juridiction nationale (化外之民)… En 1894, battue par le Japon, la dynastie Qing consent à céder Taïwan à l’empire nippon, mettant fin à deux siècles d’administration effective de l’île-province par l’empire mandchou. En 1945, après 50 ans d’occupation, le Japon défait par les armes « abandonne » tous ses droits sur Taïwan et ses dépendances (les Pescadores) sans préciser dans le Traité de Taipei signé le 28 avril 1952 avec les représentants du régime de Chiang Kai-shek repliés à Taïwan, ni dans le Traité de Paix de San Francisco de la même année, à quelles autorités l’île et ses dépendances sont rétrocédées : à la République de Chine de Chiang à Taïwan ou à la République Populaire de Chine de Mao ? De ce fait, pour les juristes internationaux, le statut de Taïwan est « indéterminé ».
Par ailleurs, à cette époque, la plupart des démocraties occidentales reconnaissaient encore le régime de Chiang à Taïwan comme l’unique représentant légitime de la Chine. De là naît la question épineuse des « deux Chines » qui n’est à ce jour toujours pas réglée. L’une, la République Populaire de Chine (中华人民共和国 ) qui considère que Taïwan lui appartient, l’autre qui s’estime “ indépendante ” (de facto) et « souveraine » par rapport au continent (mais sans oser aller jusqu’à se déclarer officiellement « indépendante »), sous l’appellation (actuelle et provisoire ?) de « République de Chine (Taïwan) » 中華民國 (台灣).
Taïwan aujourd’hui
De 1949 à 1987, les premières décennies du régime dictatorial de Chiang Kai-shek à Taïwan ont été marquées par une répression sanglante de la population locale. Gouvernée d’une main de fer, celle-ci ne jouissait d’aucune liberté d’expression. Les partis politiques d’opposition étaient interdits et leurs représentants arrêtés et déportés dans un pénitencier sur l’île verte (Lü dao) au sud-est de Taïwan.
De nombreux intellectuels locaux ont été purement et simplement exécutés. Ce n’est qu’en 1987 que Taïwan, par une « révolution » pacifique, s’est défaite progressivement de la dictature du clan Chiang pour devenir une démocratie qui a depuis gagné en maturité par le jeu des alternances politiques. La jeune démocratie est classée au 10ème rang dans le Classement Mondial des démocraties de l’EIU (The Economist) en 2023, devant le Japon (16ème), la France (23ème), les USA (29ème) et la Chine (178ème). La nature de son régime, État de droit garant des libertés fondamentales, constitue aujourd’hui son meilleur atout face à la menace croissante du régime autoritaire chinois. La population taïwanaise estime dans sa grande majorité qu’elle n’aurait rien à gagner à passer sous le contrôle d’un Parti unique, d’obédience communiste, de type dictatorial (c’est inscrit dans sa Constitution), hostile à la liberté d’expression. Taïwan dispose par ailleurs d’un autre atout : la fabrication des semi-conducteurs de pointe.
L’île est le premier fournisseur mondial de cette haute technologie. L’éventuelle destruction de cette industrie à la suite d’une invasion chinoise aurait des conséquences catastrophiques pour les industries (automobiles, aéronautique, électroménager, armement, etc.) de la planète. Il suffit de se rappeler la panique suscitée en 2021 par le naufrage d’un cargo qui avait bloqué le Canal de Suez pendant plus d’une semaine, privant les industries européennes de leur approvisionnement en puces taiwanaises…
Tout le monde a donc intérêt à ce que ce véritable bijou industriel ne tombe pas dans les mains d’une Chine connue pour ses pratiques de chantage industriel à des fins politiques.
Le Japon face à la tension croissante autour de Taïwan
Les enjeux sont énormes pour le Japon qui encourt un fort risque de devenir la première victime collatérale d’une éventuelle invasion chinoise de Taïwan. La population nippone, taïwanophile et habituée à une paix pérenne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, demeure en général optimiste devant la tension croissante entre ses voisins immédiats, et nourrit la vague impression que tout finira par s’arranger grâce à l’allié américain.
En revanche, la classe politique, qui entretient des relations étroites avec Taipei (M. Ishiba vient de s’y rendre quelques jours avant son élection en octobre dernier à la tête du gouvernement nippon), est consciente et fortement préoccupée quant à l’inévitabilité pour le Japon d’être impliqué dans une guerre dans le détroit de Formose qui serait lancée par la RPC. La Chine a démontré à plusieurs reprises sa capacité à former un blocus maritime étanche autour de l’île. Un tel blocus couperait la route d’approvisionnement en matières premières en provenance du Moyen-Orient et de l’Afrique, asphyxiant l’économie japonaise et obligeant potentiellement Tokyo à se plier aux exigences de Pékin. En cas d’une agression militaire chinoise, il y a un fort risque que le territoire national japonais ne devienne un champ de bataille avant même que les premiers missiles ne tombent sur Taïwan.
Dans l’hypothèse assez probable d’une intervention américaine pour défendre Taïwan, celle-ci viendrait nécessairement des nombreuses bases militaires des États-Unis au Japon où est stationnée leur 7ème flotte et plus de 50 000 soldats américains, toutes armes confondues. Il n’est donc pas difficile d’imaginer qu’avant de lancer ses troupes d’assaut à travers les 130-180 km (du plus étroit au plus large) du détroit séparant le continent de Taïwan, où celles-ci se trouveraient en position de vulnérabilité face aux attaques aériennes ou balistiques américaines et taïwanaises, le commandement chinois aurait tout intérêt à tenter d’anéantir préventivement le dispositif de défense américain situé à proximité au Japon. Cela pourrait se traduire par une pluie de missiles chinois sur l’ensemble du territoire japonais, causant des pertes incalculables et obligeant, non seulement les forces américaines mais aussi les Forces japonaises d’autodéfense (FJA) à riposter, plongeant le Japon « pacifiste » dans une guerre sanglante avec la Chine.
Devant ces scénarios apocalyptiques, le Japon dans l’ensemble semble afficher une nonchalance quasi surréaliste. Des analyses tentent d’avertir, par exemple, sur l’absence d’un plan d’urgence national prévoyant entre autres l’évacuation de la population des zones vulnérables à proximité de Taïwan ou des bases américaines. Se pose aussi la question de l’éventuelle évacuation de milliers d’entreprises japonaises en Chine et des nombreux ressortissants japonais résidant en Chine et à Taïwan. Dans l’ensemble, le Japon semble vivre avec l’espoir que la Chine, en dépit de sa formidable supériorité militaire, serait assez raisonnable pour ne pas franchir le seuil d’une guerre qui promettrait d’être catastrophique pour toutes les parties impliquées, y compris l’agresseur. Il est évident que l’économie chinoise (déjà mal en point), avec les sanctions que lui imposerait la communauté internationale, ne sortirait pas indemne d’une tentative d’invasion de Taïwan.
Cela étant dit, les Forces japonaises d’autodéfense commencent à déplacer leurs moyens militaires vers les îles du sud jouxtant Taïwan en préparation d’éventuels dérapages, à l’image de ceux qui se sont déjà produits lors d’un récent exercice d’intimidation chinois encerclant Taïwan où cinq missiles chinois armés sont tombés dans la Zone Économique Exclusive japonaise (dont Pékin ne reconnait pas le tracé du fait de ses revendications sur les îles Senkaku/Diaoyutai). Une agression hypothétique est désormais attendue comme venant moins du nord (la Russie) que du sud (la Chine).
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Yo-Jung CHEN
Né en 1947 à Taïwan, CHEN Yo-Jung a grandi au Vietnam et à Hong Kong. Il a fait ses études supérieures au Japon puis a servi pendant 23 années à l’ambassade de France à Tokyo en tant qu’attaché de presse et traducteur interprète. Naturalisé Français en 1981, Chen Yo-Jung est devenu en 1994 fonctionnaire titulaire du Quai d’Orsay. Il a servi en tant que consul adjoint/conseiller de presse dans plusieurs postes diplomatiques et consulaires français, dont à Tokyo, Los Angeles, San Francisco, Singapour et Pékin, avant de prendre sa retraite au Japon en 2012.