
Fondation France-Asie : Huasheng Media travaille avec de grands titres internationaux tels que le New York Times, Fast Company et Wallpaper. Comment parvenez-vous à trouver le juste équilibre entre la préservation de l'identité de ces marques mondiales et l'adaptation de leur contenu au public chinois et à l'environnement réglementaire ?
Feng Chuxuan : Je pense que le plus grand défi réside dans l'adaptation au public chinois. La Chine est une puissance orientale dont l'histoire, la culture et la trajectoire de développement sont fondamentalement différents de ceux de l'Occident. Bien sûr, nous sommes nés en Chine et nos collaborateurs ont reçu une excellente formation, ainsi nous avons une compréhension approfondie des préférences et des tendances de notre public.
Que ce soit du point de vue de la diversité de nos groupes ethniques, de nos régions géographiques ou de notre contexte historique, c'est là que réside notre force.
En ce qui concerne l'environnement réglementaire, j'ai toujours adhéré à un principe : où que vous soyez, en Chine, au Japon ou aux États-Unis, chaque pays a ses propres politiques et interprétations. Il est essentiel de respecter et de se conformer aux réglementations locales. Les marques mondiales avec lesquelles nous collaborons sont des produits de consommation, et lorsqu'elles pénètrent dans un pays, elles le font dans le respect de son environnement réglementaire. Cela n'a donc jamais été un défi pour nous.
Dans un paysage médiatique en pleine mutation, où la transformation numérique et l'influence de l'État sont deux facteurs importants, quelle place voyez-vous aujourd'hui pour la créativité indépendante et la collaboration internationale dans le secteur des médias en Chine ?
Je pense que la vitesse de développement et la créativité indépendante des médias chinois, même si elles sont parfois exagérées, ont, à certains égards, surpassé celles de l'Occident.
En termes de transformation numérique, comme chacun le sait, le développement rapide de la Chine est alimenté par sa population de 1,4 milliard d'habitants et les progrès rapides des technologies numériques, qu’il s'agisse des plateformes de réseaux sociaux indépendantes sur le marché chinois, des comptes médiatiques sur diverses plateformes ou des influenceurs et créateurs de contenu uniques, le paysage est très différent. Il s’agit, là encore, de respecter les réglementations locales et de façonner le contenu dans un cadre légal et conforme.
Quelle place reste-t-il pour la créativité indépendante et la collaboration internationale ? Je reviens au thème abordé précédemment, celui du mode de vie. Tout le monde, dans tous les pays, a le droit de rechercher une vie meilleure.
Tout comme la philosophie éditoriale de Huasheng Media, que nous appelons « vivre avec une vision plus large ». Dans la recherche d'une vie meilleure, que ce soit en matière d'alimentation, d'habillement, de logement, de transport ou d'enrichissement spirituel, les possibilités sont vastes.
Comment établissez-vous et gérez-vous vos relations avec les annonceurs internationaux ? Pourriez-vous nous donner un exemple de la manière dont les marques françaises s'engagent sur le marché chinois à travers vos publications ?
Nos relations avec les annonceurs internationaux sont très amicales. En Chine, nous avons commencé avec la presse écrite. La presse écrite est-elle toujours importante ? Absolument, mais elle ne peut pas être le seul canal.
En Chine, nous avons un terme appelé « collaboration médiatique intégrée », et nos partenariats avec les marques internationales sont très faciles. Parfois, nous aidons les marques internationales à accomplir des choses que les médias étrangers ne peuvent pas faire, qu'il s'agisse de pénétrer des villes chinoises de deuxième et troisième rangs plus segmentées ou de créer des récits ancrés dans l'artisanat et les matériaux locaux. Ce sont là des réalisations vraiment impressionnantes.
Notre collaboration avec Chanel, par exemple, pour soutenir la littérature et les écrivains chinois, est aujourd'hui la vitrine la plus influente du secteur sur le marché local.
Les publications consacrées au luxe et à l'art de vivre constituent l'un des piliers du portefeuille de Huasheng Media. Comment envisagez-vous l'évolution du marché chinois du luxe et quelles informations pourraient être utiles aux marques de luxe françaises qui cherchent à renforcer leur présence en Chine ?
L'avenir du marché chinois des produits haut de gamme est sans aucun doute prometteur. Comme je l'ai souvent dit, au cours des quarante dernières années de réforme et d'ouverture, l'économie chinoise s'est développée rapidement. Aujourd'hui, elle connaît un ralentissement naturel et une période d'ajustement global, avec divers défis à relever.
Mais à long terme, un marché de 1,4 milliard de personnes représente un énorme dividende, en particulier pour le secteur des produits haut de gamme. Je pense que l'avenir sera très prometteur. Pour les marques françaises, ou toute autre marque, qui s'implantent en Chine, il y a deux points essentiels à retenir.
Premièrement, si vous ne recherchez qu'une croissance numérique ici, cela ne pourra pas durer indéfiniment. Deuxièmement, si vous pénétrez le marché d'un vaste pays oriental de 1,4 milliard d'habitants, vous devez comprendre la culture locale et les consommateurs.
Plus important encore, vous devez vous inspirer de marques telles qu'Hermès, Dior, Louis Vuitton et Chanel, et vous impliquer dans la culture locale. C'est la stratégie à adopter pour réussir à long terme.
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FENG Chuxuan est le fondateur de HUASHENG MEDIA et le fondateur, associé, Viva la Youyi. Huasheng Media publie plusieurs titres internationaux, notamment Wallpaper China Edition, The New York Times, Style Magazine China, Nylon China, Food & Wine China Edition, Fast Company China Edition et Another Man China Edition..