
Par San San HNIN TUN
En Birmanie, le calendrier traditionnel birman est lunaire et comporte douze mois, comme le calendrier grégorien. Le jour de la pleine lune de chaque mois est un jour férié, marqué par une fête.
Ainsi, il existe deux fêtes des lumières :
La première au mois de Thadingyut, qui marque la fin du carême bouddhique, pour le bouddhisme Theravada, ou le début de la saison sèche. Elle a lieu en général au mois d’octobre.
La seconde au mois de Tazaungmone marque la fin de la saison des pluies et tombe en général au mois de novembre.
« Thadingyut » est connu également sous le nom de « fête des lumières » (en birman : သီတင်းကျွတ် မီးထွန်းပွဲတော်) se déroule le jour de la pleine lune du mois de Thadingyut (en birman : သီတင်းကျွတ်). En 2025, ce jour a lieu sur la période du 5 au 7 octobre, dont le 6 est le jour de la pleine lune de Thadingyut. Ainsi, les jours fériés pour les ambassades du Myanmar dans le monde entier et les ambassades et consulats sont les 6 et 7 octobre 2025.
Cette fête de Thadingyut est suivie par la fête de Tazaungdine. En 2025, cette fête se déroule le 4 novembre, selon le calendrier grégorien. Ainsi, certains préfèrent appeler la fête de Thadingyut « la première fête des lumières » et la fête de Tazaungdine « la deuxième fête des lumières », car ces deux fêtes des lumières sont célébrées par des illuminations partout dans le pays.
Or, pour les Birmans, mis à part le fait que Thadingyut est connue comme la deuxième fête la plus populaire en Birmanie après Thingyan, le Nouvel An dans les pays bouddhiques Theravada en Asie du Sud-est, il y a une différence entre ces deux fêtes des lumières, au moins dans la pratique.
Histoire et origine de la fête des lumières
En Birmanie on dit que ces fêtes des lumières symbolisent le retour du Bouddha (du ciel) sur la planète Terre (chez les êtres humains).
Pendant la nuit, le Bouddha est monté dans le ciel où vivait sa mère, Maya, réincarnée au pays des bons esprits dans le ciel (d’une manière générale, c’est l’équivalent du « Paradis » pour les Chrétiens), connu sous le nom de Trayastimsa/Tavitimsa (en birman : တာဝတိံသာ နတ်ပြည်) pour lui prêcher des textes d’Abhidhamma (အဘိဓမ္မ) pendant les trois mois du carême bouddhique (connu sous le terme de vassa en Pali ou waso en birman - ဝါဆို).
Pendant les trois mois de carême, les gens, y compris les moines bouddhistes en Birmanie, ne changent pas de logements ni ne voyagent. Ainsi, pendant cette période en Birmanie, il ne se passe aucun déménagement ni aucun mariage qui nécessiterait de changer de foyer. Il faut ajouter que le carême bouddhique coïncide également avec la mousson ou la saison des pluies en Birmanie. Il est donc naturel que les gens ne se déplacent pas pendant le carême.
Lorsque le Bouddha retourna sur la planète Terre, les gens l’accueillirent avec des lumières sur son chemin. Ainsi, jusqu’aujourd’hui on voit partout dans le pays les maisons, les rues et les pagodes illuminées pour commémorer cet événement.
La fête des lumières de Tazaungmone, ou la deuxième fête des lumières, commémore le fait que la mère de Bouddha tissa un habit de moine bouddhique pour son fils avant son départ (car elle savait que son fils, le futur Bouddha, allait bientôt abandonner sa vie de prince au palais royal pour devenir Bouddha).
Cette fête marque également la fin de la saison des pluies et le début de la période de kathina, terme qui signifie « le moment de faire des offrandes ».
Ainsi, les moines reçoivent des tissus neufs pour faire de nouveaux habits. On dit en Birmanie que cette fête qui tient ses origines de Kattika en Pali ou kahtein en birman (ကထိန်) et commémore les planètes gardiennes en astrologie hindoue. La fête des lumières de Tazaundine est dite antérieure à l’introduction du Bouddhisme Theravada en Birmanie.
Pratiques en Birmanie
La fête des lumières de Thadingyut est habituellement célébrée sur trois jours. La veille du jour de la pleine lune de Thadingyut, on rend hommage aux personnes plus âgées, les parents, les grands-parents, les enseignants, les oncles et les tantes, etc. D’une manière générale, tous ceux qui sont plus âgés que nous.
Dans les écoles, y compris les universités, sont organisées des cérémonies pour rendre hommage aux enseignants, connues sous le terme de Saya kadaw bwe (ဆရာကန်တော့ပွဲ). Comme l’hommage se manifeste par une prosternation, si l’on n’est pas bouddhiste, on est autorisé à ne pas y participer.
On rend hommage en signe de demande de « pardon » pour les offenses qu’on aurait commises dans l’année. Ainsi, cette fête symbolise une gratitude et une demande de pardon. L’hommage aux aînés est rendu avec des offrandes de nourriture telles que des gâteaux, des fruits et d’autres cadeaux. En retour, les personnes âgées donnent de l’argent de poche aux plus jeunes. Beaucoup de jeunes Birmans bouddhistes considèrent que c’est le moment de gagner un peu d’argent de poche et les foyers sont remplis de nourriture festive ou spéciale.
Pour la fête des lumières de Tazaungdine en revanche, outre les illuminations colorées, on trouve partout en Birmanie toutes sortes de spectacles nocturnes, connus sous le terme de pwe (ပွဲ), y compris des zat pwe (ဇာတ်ပွဲ), l’équivalent birman de représentations théâtrales.
Si la fête de Thadingyut est célébrée plutôt d’une manière uniforme dans tout le pays, la célébration de la fête de Tazaungdine peut varier d’une région à une autre. Par exemple, dans la ville de Taunggyi de l’état Shan, des concours de lancement de montgolfières ou de lanternes sont organisés avec des ballons fabriqués en papier, qui volent dans le ciel à l’aide d’air chaud d’une bougie suspendue. Ce festival est connu sous le nom de « Festival de montgolfières de Taunggyi » et dure d’habitude cinq jours. Cette fête est souvent accompagnée du lancement de feux d’artifice.
Autre différence notable, pendant la fête de Tazaungdine, il y a partout dans le pays, mais tout particulièrement dans les grandes pagodes telles que la pagode Shwedagon de Yangon, des concours de tissage de robes de moines bouddhiques, appelés matho thingan yet pyaing pwe (မသိုးသင်္ကန်းရက်ပြိုင်ပွဲ).
La fête commence la veille de la pleine lune de Tazaungdine et les tisseurs et les tisseuses regroupés en équipes tissent sur 2 nuits, à la lumière de la pleine lune, le tissu jaune à offrir aux moines. A l’issue de ce concours, la robe est offerte à la communauté monastique (Sangha) et non à un moine individuel.
Ces fêtes sont souvent accompagnées de musique et de spectacles. Les robes jaunes tissées pour les moines bouddhiques sont connues également sous le nom de kahtein thin gan (ကထိန် သင်္ကန်း).
La fête de Tazaungdine est normalement associée au moment de faire des offrandes. On trouve par exemple des fêtes de Studitha (စတုဒီသာကျွေးပွဲ), pendant lesquelles l’on offre de la nourriture à tous ceux qui veulent, sans aucune discrimination. On offre également des padetha bin (ပဒေသာပင်) représentations d’un arbre « d’abondance » auquel sont suspendus des billets de banque ou des objets utiles offerts aux moines.
Dans certains quartiers, des jeunes, normalement hommes, célèbrent le kyi ma no pwe (ကျီးမနိုးပွဲ), qui signifie « la fête avant le réveil des corbeaux » pour jouer des tours à leurs voisins ou leur dérober un objet (pendant la nuit, comme le suggère le titre de la fête.
Par exemple, les jeunes prennent les enseignes d’un lieu public pour les mettre à la porte de logements privés. Toutefois, ce n’est jamais sérieux, ni méchant car le lendemain tout le monde en rit.
Avec ces descriptions des fêtes des lumières, j’espère que vous avoir donné envie de visiter la Birmanie lors des mois d’octobre et de novembre, qui correspondent à la saison sèche en Birmanie, donc à « l’hiver » en Asie du Sud-Est, pendant lequel il ne fait jamais vraiment froid.
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San San HNIN TUN est maître de conférence dans la section de birman à l’Inalco (rattachée au laboratoire LACITO-CNRS). Elle a fait sa scolarité (jusqu’au premier Masters) en Birmanie avant de faire d’abord un PhD en English Studies à l’Université de Nottingham en Angleterre et puis un doctorat en Science du langage à l’Université de Paris 3 (Sorbonne Nouvelle), ses deux thèses sur la linguistique du corpus (birman). Avant de venir enseigner le birman à l’INALCO en 2010, elle a enseigné à l’Université de Cornell aux Etats-Unis depuis 1989.