Entretien avec Marc-Antoine Girard (YL France-Inde 2023)

Notre série Young Leaders Spotlight met en lumière Marc-Antoine Gérard. Pilote de Rafale et colonel de l'armée de l'Air, il a participé à plusieurs opérations conjointes entre les armées française et indienne. 

 

(Entretien réalisé en 2023)

 

Marc-Antoine, vous êtes aujourd’hui colonel au sein de l’armée de l’Air, comment avez-v0us décidé d’intégrer les rangs de l’armée française ?

 

Plusieurs choses m'ont amené à passer le concours de ce qui était alors l'école de l'air et qui est maintenant l'école de l'air et de l'espace de Salon-De-Provence. À l'origine, il y avait cette passion depuis l'âge de six ans pour l'aéronautique et spécialement pour le métier de pilote de chasse. Un peu plus tard, je me suis rendu compte que j'avais une réelle appétence pour le milieu militaire et la notion de service. J'avais une envie fondamentale de faire un métier où je serais utile et où je trouverais du sens tous les jours en allant au travail.

 

Pilote de Rafale, vous venez de terminer votre année de formation à l'École de Guerre : d’où vous vient cette passion pour l’aéronautique ?

 

Curieusement je ne me souviens pas très bien et j'ai encore du mal à l'expliquer. Je ne suis pas d'une famille de militaires ni d'aviateurs. J'ai grandi en Bretagne et en Mayenne, deux régions qui ne sont pas particulièrement associées au monde de l'aéronautique. Je n'ai pas non plus assisté à un meeting aérien quand j’étais enfant. En revanche, j'ai dévoré très tôt les bandes dessinées de Buck Danny, Tanguy et Laverdure ou encore Biggles.

Plus tard, au lycée, mes parents m'ont offert Le grand cirque de Pierre Clostermann (premier chasseur de France de la Seconde Guerre mondiale, Compagnon de la libération, 33 victoires aériennes confirmées). Ce récit, relu maintes et maintes fois, est tout ce que je gardais à l'esprit dans les moments les plus difficiles du parcours pour devenir pilote de chasse.

 

En tant que Young Leader vous avez participé en avril 2023 au séminaire à Delhi et Bangalore : quel est votre retour d'expérience ?

 

C'était tout simplement une expérience unique et d'une richesse incroyable ! La diversité des profils des Young leaders et leur ouverture d'esprit m’a permis de repartir d'Inde en ayant appris des notions de marketing, branding, sourcing, finance, préparation de la voix avant de donner un récital d'opéra, traitements présents et futurs du cancer, stratégies d'influence sur les réseaux sociaux, gestion d'un handicap pour mener sa vie personnelle et professionnelle malgré tout... Quelle chance pour un militaire comme moi de se voir offrir l'opportunité d'échanger avec des personnes passionnantes aux centres d'intérêt situés à des années lumières des miens mais désireux d'expliquer ce qu'est leur monde. Je retiens en priorité deux moments : l'intervention de Ashish Dhawan (CEO de The convergence Foundation) sur la situation et les enjeux de l'Inde et, la discussion entre Young Leaders avec Masoom Minawala, Aurelie jean et Vishal Agrawal sur leur parcours personnel.

 

Comment se déploie la relation bilatérale entre les armées de l'air française et indienne ?

 

Tout d'abord, la coopération bilatérale entre l'armée de l'air et de l'espace (AAE) et l'Indian Air Force (IAF) ne date pas d'hier puisqu'elle a été initiée dès 1953, matérialisée par l'utilisation de nombreux matériels communs, le dernier en date étant bien sûr le Rafale.

L'annonce du Premier Ministre Narendra Modi d'un accord de principe pour l'acquisition de 26 Rafale et 3 sous-marins Scorpène renforce le lien existant entre les marines de nos deux pays. Mais le matériel ne fait pas tout et c'est bien les entraînements communs qui sont le creuset d'une réelle interopérabilité. C'est pourquoi nos armées de l'air s'exercent au minimum tous les deux ans ensemble au cours de l'exercice Garuda qui se tient à tour de rôle en France et en Inde.

Le Général Stéphane Mille, chef d'état-major de l'armée de l'Air et de l'Espace, invité par son homologue l'Air Chief Marshall Chaudhari, avait notamment pu inspecter les forces françaises sur la base de Jodhpur lors de l'édition 2022 de cet exercice.

Les équipages de nos armées de l'Air se retrouvent régulièrement pour des entraînements multinationaux comme le Pitch Black en Australie ou bien encore le Désert Flag aux Émirats Arabes Unis.

 

Quels sont les moments forts des opérations conjointes avec l'armée indienne auxquelles vous avez participé ?

 

En plus de l'importance de son engagement en France, en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, l'AAE se projette annuellement en Indopacifique lors de missions dénommées "Pégase". La mission Pégase 2023 (10 Rafale, 5 avions ravitailleurs A330 MRTT, 4 avions de transport tactique A400M, 300 aviateurs) est ainsi en cours avec pour objectif majeur d’apporter un soutien à nos forces prépositionnées en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. J'ai eu la chance de participer à la mission Pégase 2018 où nous avons fait escale en Inde pendant une semaine pour mener des missions d'entraînement avec les escadrons 1 (The Tigers) et 7 (Battle Axes) de la base de Gwalior. J'ai également eu la chance de voler aux côtés de Rafale indiens lors de l'exercice Orion depuis la base aérienne de Mont-de-Marsan en avril de cette année.

 

Pouvez-vous nous parler du rôle joué par la France dans la zone indopacifique et des coopérations stratégiques mises en place ?

 

La France est une nation souveraine de l'Indopacifique : 1,6 million de ses ressortissants y vivent. On y retrouve sept de ses treize départements-Régions et collectivités d'Outre-Mer et neuf des onze millions de km2 de sa zone économique exclusive. C'est pour ces raisons que le président de la République a adopté en 2018 une « stratégie française en Indopacifique ». Celle-ci vise à maintenir un espace ouvert, libéré de toute forme de coercition et fondé sur le respect du droit international et du multilatéralisme. Il s'agit pour la France de promouvoir une approche multidimensionnelle qui intègre à la fois la dimension sécuritaire et militaire, la liberté de navigation, la connectivité, la dimension économique et commerciale ainsi que la dimension environnementale. Il faut noter que cette stratégie a été déclinée par le ministère des Armées en une stratégie de défense française en Indopacifique dès 2019. Des partenariats privilégiés ont été développés avec de nombreux pays de la zone. L'Inde est au tout premier rang de ceux-ci.

Retour à toutes les actualités